Voici un article complet paru dans « les Echos » le 23 Juillet dernier, traitant de  l’importance du travail excentrique pour la rééducation mais aussi durant l’entraînement des athlètes de haut niveau.

Les épreuves d’athlétisme sont parmi les plus attendues des JO. Plus que toutes les autres, elles évoquent la performance. Même si nutrition, sommeil, facteurs psychologiques sont intégrés à tout entraînement de haut niveau, c’est sans conteste le muscle qui est la clef de toutes ces prouesses. Plus précisément le système musculo-tendineux car les tendons, jonction légèrement extensible entre muscles et os, participent aussi à l’amortissement des chocs. « Toutes nos méthodes d’entraînement sont inspirées des théories élaborées par les Soviétiques et les Américains dans les années 1960, raconte Renaud Longuèvre, entraîneur de l’équipe de France de sprint et 110 mètres haies. Ce sont eux qui ont formalisé les notions de pics de forme au cours de l’entraînement et de surcompensation, l’idée de fatiguer l’organisme pour le faire progresser après reconstitution énergétique au repos, en évitant surentraînement et blessures. »

Comme l’explique Gaël Guilhem, enseignant-chercheur à l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (Insep), « On connaît maintenant l’influence de l’entraînement sur l’activation des fibres musculaires et le lien entre la prise de masse musculaire et la force musculaire. »
Renforcer les ischio-jambiers

Pour étudier cette dernière, il utilise un dynamomètre isocinétique. Cette machine souvent utilisée en rééducation, par exemple après des lésions des ligaments croisés, permet aussi d’augmenter la force d’un muscle donné. Elle impose un mouvement à vitesse constante, par exemple à la jambe, attachée à l’appareil. L’athlète, lui, doit résister à la machine. La vitesse du mouvement imposé par la machine est augmentée au fur et à mesure que le muscle se renforce. « Cette méthode individualisée indique la force que chaque athlète peut développer pour chaque muscle, explique Gaël Guilhem, et limite le risque de blessures à l’entraînement. » L’entraîneur a choisi de l’utiliser en mode excentrique c’est-à-dire quand le muscle se contracte et s’étire en même temps, un type de mouvement fondamental en athlétisme, puisqu’on le retrouve dès que le corps est en avant des appuis. Les grands sportifs connaissent depuis longtemps l’intérêt de tels exercices et s’entraînent par exemple à courir en descente mais on est aujourd’hui capable d’analyser les processus physiologiques sous-jacents. « L’action excentrique aussi qualifiée de freinatrice crée des microlésions des unités contractiles des muscles. Réalisé de façon mesurée, cela permet une adaptation préventive du muscle à l’effort », détaille Gaël Guilhem.

Les athlètes, dont s’occupe Renaud Longuèvre, s’entraînent ainsi à raison d’une heure 2 fois par semaine depuis un an (chaque exercice dure quelques secondes) en particulier pour renforcer les ischio-jambiers, les muscles situés derrière la cuisse parmi les plus vulnérables en athlétisme. C’est une première a priori prometteuse puisque Eloïse Lesueur, championne d’Europe de saut en longueur a pu cette année échapper aux blessures. « Au fil des entraînements, les tendons se renforcent, la formation de collagène, leur constituant principal, étant stimulée, explique Gaël Guilhem. Et on peut repousser le seuil d’apparition des microlésions. »

Pierre Portero, professeur à l’université Paris-Est Créteil et chercheur au service de rééducation neuro-orthopédique de l’hôpital Rothschild, détaille le processus : « Pour réparer ces microlésions, qui se traduisent par des courbatures, l’organisme déclenche une petite réaction inflammatoire, précurseur de la réparation tissulaire. » Des cellules satellites, situées à la périphérie des fibres musculaires, capables de se dupliquer assurent la réparation des parties lésées des fibres musculaires. « Ce processus serait à l’origine de l’augmentation de la masse musculaire », conclut-il.

Les dynamomètres ont aussi permis de mieux appréhender la physiologie et la biomécanique des tissus dits « passifs », comme les tendons et les enveloppes du muscle, mis en jeu lors des étirements. « Nous avons compris depuis peu comment les étirements atténuent progressivement la raideur des tendons », explique Pierre Portero. C’est la raideur des tendons qui assure la bonne transmission de la force musculaire propulsive et freinatrice, fondamentale en athlétisme. Inversement, les étirements se révèlent très efficaces pour aider notamment les personnes âgées à retrouver une certaine amplitude articulaire. Ils pourraient aussi diminuer la raideur de la structure musculo-tendineuse des sportifs d’endurance, à l’opposé de leurs objectifs d’entraînement. Les étirements doivent donc être préconisés à bon escient, selon les disciplines ou les objectifs de rééducation.

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